Comment se fait-il que les clochers triangulaires soient si peu connus ?

Cela tient certainement au fait qu’ils offrent toujours leur meilleur côté au regard, dissimulant le mur diagonal. Ainsi on ne voit pas leur triangularité. Nous nous attacherons dans ce blog à mieux faire connaître cette curiosité en trompe-l'œil et à mettre au grand jour ses trois faces singulières.
L’inventaire des clochers triangulaires a fait l'objet d'une publication dans les Mémoires ("LI") que vous pouvez vous procurer auprès de l’I.P.A.A.M (Institut de Préhistoire et d'Archéologie Alpes Méditerranée).
Il n’est d’ailleurs pas terminé car de nombreux clochers ont été recensés depuis. Pour réaliser cet inventaire, nous avons utilisé les frontières du XVIIe et XVIIIe siècle concernant le Comté de Nice, la Provence, le Duché de Savoie, la Ligurie et la Corse.
Pour chaque clocher triangulaire, nous ajoutons ci-contre une fiche que vous pourrez découvrir au fur et à mesure de nos recherches.

Georges Salacroup et ses enfants Serge et Sophie
I campanili triangolari : una curiosità del trompe-l'oeil del barocco a Nizza

Come è possibile che le torri triangolari siano così poco conosciute?
Ciò è certamente dovuto al fatto che offrono sempre il loro lato migliore, nascondendo la loro diagonale.Quindi non vediamo la loro triangolarità.
Ci concentreremo in questo blog per sensibilizzare l'opinione pubblica a questa curiosità del trompe-l'oeil e portare alla luce i suoi tre lati particolari.
L'inventario delle guglie triangolari è stato pubblicato nelle Memorie ("LI") che è possibile acquistare dal IPAAM (Istituto di Preistoria e Archeologia Alpi Mediterranee). Quest'ultimo non é ancora stato terminato in quanto molti campanili sono stati recensiti in un secondo tempo. Per realizzare questo inventario, abbiamo utilizzato i confini del XVII e XVIII secolo che riguardano la Contea di Nizza, la Provenza, il ducato di Savoia, Liguria e Corsica.
Per ogni torre triangolare, aggiungeremo una scheda che potrete scoprire di volta in volta durante le nostre ricerche.

Georges Salacroup ei suoi figli Serge e Sophie

Essai d'analyse et de synthèse

Typologie des clochers triangulaires :

Le premier est un clocher qui repose sur un triangle équilatéral. Ce genre de clocher peut être bâti sur le chevet, car sa première face ne s’appuie que sur un seul mur de la chapelle, mais il doit exister un mur extérieur pour soutenir sa deuxième face, la troisième étant soutenue par une trompe ou un arc de décharge. Le corps du clocher est un prisme régulier et le toit est en forme de trièdre ou de cône. Nous avons vu que sa construction avait posé des problèmes à Camporosso. Celui de Châteauneuf-Villevieille a bénéficié de l’opportunité du mur de la sacristie faisant un angle de 60° avec celui du chevet ; quant à Cantaron, une solution originale a été trouvée par les bâtisseurs. En conséquence, compte tenu de ces difficultés, il n’en sont pas moins plus élégants.
Le deuxième clocher repose sur un triangle rectangle isocèle. Il s’agit des clochers bâtis en façade, sur un angle de la chapelle. Le corps du clocher est un prisme droit et le toit est en forme de trièdre. Il peut parfois être double, bâti sur les deux angles d’une façade : ils sont alors symétriques. Cette technique est très utilisée car, contrairement à la précédente, sa construction est plus aisée. 
Le troisième clocher repose sur un triangle isocèle, non rectangle. Le clocher de Corte en est un magnifique exemple.


Naissance des clochers triangulaires :
On peut penser que les clochers triangulaires sont nés  de façon tout à fait fortuite, et que leur conception est due à trois éléments essentiels :

- on économise la construction d’un mur,

- ce genre de clocher peut être édifié sur un bâtiment religieux déjà construit sans nécessiter des frais de démolition et de construction importants,

- vu de face, il donne l’apparence d’un clocher quadrangulaire.

Ainsi ont pu naître de nombreux clochers triangulaires qui, vus de face, ne se distinguent pas des autres. Le fait que l’on trouve, dans la région, de nombreuses peintures de façade en trompe-l’œil n’est peut être pas étranger à cela. La plupart de ces clochers se trouvent sur des chapelles bâties par une congrégation de Pénitents, plus particulièrement les Blancs ou les Bleus. Il faut citer également l’influence des Frères Mineurs de l’Observance, les Franciscains, qui sont à l’origine de l’édification de plusieurs clochers et surtout de la transmission de ce savoir en Corse et dont on peut citer quelques monastères : Nice-Cimiez, Sospel, Levens, Saorge, Lantosque, Perinaldo et Borgo-Maro.

Les Dominicains ont également utilisé cette technique.

En conclusion, on peut dire que l’évolution des clochers triangulaires de l'époque baroque, s’est élaborée à partir du triangle équilatéral, angle de 60°. Son utilisation s’étant avérée difficile, les bâtisseurs ont tout d’abord ouvert l’angle jusqu’à 90°, donnant naissance à de multiples clochers : c’est la technique du comté de Nice. La dernière évolution se situe à Corte où les bâtisseurs ont refermé l’angle entre 45° et 50° environ donnant ainsi à ce clocher un équilibre et une finesse approchant la perfection.

Diffusion des clochers triangulaires :

Première période : antérieur au Baroque
Le clocher le plus ancien répertorié par notre inventaire est celui de Seyne les Alpes, bâti en 1445 par les Dominicains. Les grandes dimensions de ce clocher nous amène à penser qu'il n'a pas suscité d'homologue, pendant au moins 150 ans.    

Deuxième période : Baroque primitif

On peut essayer d’imaginer le déroulement des opérations aboutissant à la création du premier clocher triangulaire dans le comté de Nice. Il s’agit là d’une hypothèse reposant sur les observations que nous avons faites tout au long de l’analyse.

Cela se passait à Châteauneuf-Villevieille ; la haute société niçoise y avait fait construire des manoirs et pris l’habitude de passer l’été dans ce lieu où l’air était certainement plus pur que dans la vieille ville de Nice, enserrée dans ses remparts. Il a d’ailleurs été répertorié près de quarante-cinq co-seigneurs à Châteauneuf. On peut citer les familles Galleani, Martini, de Constantin, Barralis, Lascaris, Gallean, de Grimaldi, Tonduti, Bermondi.

Au milieu du XVIe s., de nombreux palais ou manoirs y avaient été édifiés. L’église paroissiale se trouvant, comme aujourd’hui à Châteauneuf-Villevieille, il fallait donc, tous les dimanches, y descendre pour assister à la messe, en utilisant le sentier qui existe toujours à partir de la porte d’entrée nord. Il en était de même pour toutes les cérémonies religieuses, mariages, baptêmes ou enterrements. Quelques seigneurs ont dû user de leur influence pour obtenir une église paroissiale à Châteauneuf ; cela fut fait en 1594, date à laquelle débute le registre de baptême de l’église Saint-Pierre-es-Liens.

Comme il n’était pas possible de construire une église, faute de place dans l’enceinte fortifiée, on a utilisé une chapelle médiévale datant du XIIe ou du XIIIe s. qui se trouvait en bordure du plateau sommital. Cette chapelle est devenue l’église Saint-Pierre-es-Liens. Il a donc fallu construire une sacristie, voire un presbytère. La seule possibilité se trouvait au nord-est de la chapelle, sur une terrasse rocheuse située en contrebas de celle-ci, ce qui explique la construction du bâtiment actuellement accolé à la façade nord de l’église, si curieusement orienté. C’est alors que s’est posé le problème du clocher ; le constructeur a eu l’idée de surélever l’angle formé par le mur nord de l’église et le mur est de la sacristie, angle qui mesure 60°, récupérant ainsi un espace inutilisable dans la sacristie. Afin de soutenir le troisième mur diagonal, il a construit une trompe en utilisant des petits moellons de céramique ; il devait avoir de bonnes connaissances en architecture pour utiliser cette technique.

On peut se poser la question suivante : pourquoi ne pas bâtir le mur diagonal depuis le bas ?

Ce mur n’étant, en principe, pas très haut, n’a pas besoin d’être très épais, ce qui permet de réaliser une économie de construction ; d’autre part, il est allégé par une grande ouverture. Par contre, l’utilisation de la trompe permet de construire ce mur juste au-dessous du toit en économisant une partie du mur. Le clocher triangulaire avec un toit triédrique sur la base d’un triangle équilatéral était donc né, d’une manière fortuite et empirique.

L’influence des Pénitents Blancs n’est toutefois pas démontrée dans ce cas précis, bien que l’on puisse penser que les seigneurs qui avaient obtenu la création d’une paroisse pouvaient en faire partie, à Nice. Le développement ultérieur des clochers triangulaires sur les chapelles des Pénitents Blancs de Falicon, Biot, Saint-Paul-de-Vence, démontre les relations privilégiées que les confréries avaient entre elles au delà des frontières.
Le clocher de Saint-Pierre-es-Liens, à Châteauneuf, serait donc le clocher fondateur de cette technique de clocher à base triangulaire. Il a dû marquer les esprits, puisqu’une vingtaine d’années après, son principe est utilisé et amélioré à Bendejun où une chapelle de village, léguée par testament à la confrérie des Pénitents Blancs en 1612, en fut dotée.

Que s’est-il donc passé ? Les habitants de Bendejun obtiennent, par succession, une chapelle située dans le village. Il leur fallait un clocher et ont dû recruter des compagnons maçons pour réaliser cette construction en s’inspirant du clocher de Saint-Pierre-es-Liens à Châteauneuf situé à proximité. Les compagnons, ne désirant pas bâtir le clocher extérieurement à la chapelle, comme c’était le cas à Châteauneuf, ont eu l’idée d’agrandir l’angle de 60° à 90° en utilisant un angle intérieur de la façade, créant ainsi le premier clocher édifié sur la base d’un triangle rectangle isocèle, mais en conservant la trompe comme support pour le mur diagonal. Cela va être la règle pendant tout le XVIIe s.

L’utilisation de la trompe, qui se situe entre le toit et la voûte de la chapelle, permet de bâtir un clocher moins onéreux qui n’empiète pas dans la travée et préserve la voûte. Il peut également être installé sur une chapelle préexistante.

La technique de construction d’un clocher sur la base d’un triangle isocèle à angle droit était née ; nous l’avons appelée par commodité « technique du comté de Nice ». Toutefois, il est certain que les compagnons maçons recrutés étaient d’origine piémontaise ; cela est visible dans la décoration des angles arrondis du clocher de Bendejun. On peut supposer qu’il en était de même pour le clocher de Saint-Pierre-es-Liens.

Entre 1612 et 1630, la chapelle de Biot est remaniée par Émeric qui, pour le clocher, utilise la technique du comté de Nice sauf pour les angles qui sont chanfreinés. La technique du clocher triangulaire venait de franchir le Var, frontière entre le comté de Nice et la Provence.

En 1619, les Pénitents Blancs de Falicon construisent leur chapelle de la Sainte-Croix. La technique de construction est très différente de celle de Bendejun. Nous avons probablement affaire à des compagnons maçons originaires du comté de Nice ou peut-être de Provence qui ont innové, ainsi que nous l’avons vu, en utilisant la voûte de la chapelle.

Entre 1632 et 1650, les Pénitents Blancs de Sospel, après avoir agrandi la chapelle médiévale, édifient leur clocher qui repose sur un important arc de décharge. En 1640, peut-être sur l’instigation de Mgr Godeau, les Pénitents Blancs de Saint-Paul-de-Vence, construisent leur chapelle de la Sainte-Croix. Vers 1650, deux clochers triangulaires sont édifiés à proximité d’Abries dans le Queyras, royaume de France. En 1661, les Pénitents Blancs de Peillon agrandissent une vieille chapelle dédiée à Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, utilisent un arc de décharge, et aménagent de façon particulière la façade.

Si nous examinons la carte du département, on s’aperçoit que le développement des clochers s’effectue d’une manière concentrique à partir de Châteauneuf-Villevieille, en débordant sur le royaume de France, la Corse, le duché de Savoie, et le royaume du Piémont.


Troisième période : Baroque classicisme
En 1655, le duc Charles-Emmanuel II ordonne la restauration et l’agrandissement du sanctuaire de Saint-Hospice. Il utilise pour cela des compagnons maçons probablement originaires du Piémont, car ils modifient la technique du comté de Nice en arrondissant les angles du clocher au lieu de les chanfreiner.

À Aubagne, vers 1680, les Frères Mineurs de l’Observance bâtissent un clocher dans le plus pur style du comté de Nice ; nous avons vu que des relations s’étaient établies entre Biot et Aubagne pour la construction d’un four à pain.

À partir de 1700, San Bartolomeo, à Latte, dans la république de Gênes, ainsi que les trois clochers de Borgo San Dalmasso, dans le duché de Savoie (futur royaume du Piémont), sont édifiés en utilisant la technique du comté de Nice.

On peut noter que les trois clochers de Nice Saint-Sépulcre, Nice Saint-Philippe-Néri, et Carros ont été bâtis à la fin du XVIIIe s., simultanément à la construction de la place Victor (actuelle place Garibaldi) dont Antonio Spinelli a dessiné les plans, fortement inspiré du Baroque piémontais.

Le clocher de Saint-Sauveur-sur-Tinée est un cas particulier et semble avoir été bâti en 1784.

Les Frères Mineurs de l’Observance ont probablement introduit en Corse l’usage du clocher triangulaire d’influence niçoise en y ajoutant une touche personnelle, avec toutefois une influence génoise (voir Latte et Camporosso), surtout pour Corte qui semble être l’apothéose du clocher triangulaire baroque. Il peut être daté des alentours de 1760.

Les clochers d’Oletta et d’Olmeta di Tuda peuvent être datés du début du XIXe s. Ils possèdent des clochers doubles installés de part et d’autre de leur façade.

À Cantaron, le clocher de la chapelle Saint-Joseph (1789) utilise un triangle équilatéral sur une structure originale. Curieusement, nous assistons également à un retour vers le triangle équilatéral et surtout vers le lieu d’origine, Châteauneuf-Villevieille ; en effet, à l’origine, Cantaron dépendait de Châteauneuf-Villevieille, et ce jusqu’en 1823.

Camporosso, dépendant du comté de Nice, suit difficilement ce retour au triangle équilatéral.

Murato, 1880, semble avoir bénéficié d’une conception toute particulière.

Saint-Paul-de-Vence, Pass Prest, 1882, semble être le dernier clocher construit.

Les clochers triangulaires, après leur naissance en 1594 à Châteauneuf-Villevieille, ont ainsi suivi un long périple, en essaimant des petits groupes de clochers en Provence, en Italie et en Corse, avant de venir terminer leur cycle pratiquement à leur point de départ.

Comment se fait-il qu’ils soient si peu connus ? Cela tient certainement au fait qu’ils offrent toujours leur meilleur côté au regard, dissimulant le mur diagonal ; ainsi on ne voit pas leur triangularité. Cela n’est pas étonnant dans une région où, depuis l’époque romaine, le trompe-l’œil est couramment utilisé.

En conclusion, il semblerait que cette technique, née dans le comté de Nice puisque c’est là que se trouvent les premiers clochers de ce type, ait débordé en France, en Italie et en Corse. L’ensemble de ces clochers mérite un classement particulier, car il semble unique au monde. On peut en accorder la paternité aux compagnons maçons d’origine piémontaise qui les ont construits dans la plupart des cas, la dispersion de cette technique revenant aux confréries de Pénitents Blancs qui la firent connaître à tous leurs frères.

Evocation de la Ste Trinité :  
Les auteurs Italiens ont tendance à lier les clochers triangulaires avec une évocation du mystère de la Sainte Trinité. Cela mérite une étude plus approfondie.
Le style baroque a éliminé les frontons triangulaires des façades principales en les remplaçant par des frontons circulaires et en utilisant des moulures en forme de lobes.
 On peut donc considérer que, la période prébaroque jusqu'à 1650, a probablement échappé à cette évocation en construisant des clochers du type triangle rectangle isocèle selon la technique du Comté de Nice.
En revanche, la période Baroque classicisme en développant sur le Piémont et la Ligurie, de nombreux clochers du type triangle équilatéral, ce qui est la représentation habituelle de la Sainte Trinité, a pu remplacer la disparition du fronton triangulaire par le clocher triangulaire équilatéral.




Georges Salacroup, à Nice en 2012

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